De l’agence de voyage à l’hôtelier, pas un professionnel du tourisme ne dira le contraire : le digital a profondément impacté leur métier. Ce contexte suscite de nouvelles opportunités et des écueils dans lesquels il ne faut pas tomber pour continuer à exister auprès de voyageurs rompus au numérique, de la préparation de leur voyage jusqu’au partage de leurs impressions. Entre les deux, de nombreuses fonctions en back ou front office sont touchées, comme en attestent les témoins invités lors de la Conférence « Digitalisation de l’industrie du tourisme : enjeux et perspectives » organisée par Coralie Haller, Enseignant-Chercheur et responsable de la Chaire Vin et Tourisme de l’Ecole de Management de Strasbourg.
Personne ne s’en étonnera. Le secteur du tourisme fait partie des domaines les plus impactés, et de longue date, par la digitalisation. Un phénomène qui oblige les acteurs, qu’ils soient voyagistes, hôteliers, restaurateurs, destination ou lieu culturel à réagir pour ne pas perdre pied face aux concurrents qui ont pris le virage à temps ni face aux clients qui, toutes générations confondues, ont fait du digital un allié de leurs vacances. Pas un aujourd’hui ne prépare un voyage sans surfer sur internet ni consulter les réseaux sociaux, pages Instagram ou Facebook et sites spécialisés dans la notation et la recommandation. Si les pages ‘officielles’, nécessairement avantageuses, y sont consultées, les images, commentaires et notes laissés par les touristes sur les réseaux sont aussi de précieux indicateurs pour ceux qui préparent leur voyage… Ils constituent une formidable caisse de résonance s’ils sont positifs. Mais peuvent être redoutables en termes de réputation en cas de bad buzz. Les professionnels doivent donc les prendre en compte pour s’améliorer et surveiller leur image. Sans parler des blogs ou des pages Instagram des influenceurs qui réunissent parfois des dizaines de milliers de followers.
Logiquement, les voyagistes ont dû s’adapter à cette donne qui a conduit à l’émergence de pure players très offensifs sur le web. L’agence de voyages colmarienne LK Tours (65.000 voyageurs par an) s’est ainsi interrogée sur le meilleur moyen de maintenir du trafic dans ses 15 points de vente. « Dans ce contexte de transformation digitale, nous avions la volonté de permettre aux clients de vivre une expérience unique au sein de nos agences », explique Stefan Vrtikapa, chargé de marketing et de développement commercial, « nous avons donc choisi le biais de la réalité virtuelle pour leur faire découvrir certaines destinations de notre catalogue ». Une expérience phygitale qui repose sur des vidéos immersives tournées par l’agence strasbourgeoise Virtual Journey mais aussi des vues 3D et interactives des autocars de grand tourisme de la compagnie LK. Cette initiative récente, en cours de déploiement dans les agences, commence déjà à porter ses fruits sur les salons du tourisme où LK Tours est présent.
Place à l’imagination
Ce phénomène de digitalisation a également donné naissance à de belles initiatives à destination des touristes, laissant libre cours à l’imagination des développeurs. La société Crikoo est ainsi née dans l’esprit d’Arnaud Schittly et de Mathieu Schuller et dans le cadre du réseau France Tourisme Lab. L’idée : créer des histoires pour smartphones pour partir à la découverte de lieux touristiques. Une façon ludique et simple de s’immerger dans un territoire avec du contenu multimédia et, par exemple, une énigme à résoudre sur un parcours donné. « C’est dans cette idée, pour permettre l’éclosion de startups du tourisme innovantes, que nous avons noué un partenariat avec France Tourisme Lab, à l’instar d’autres caisses en France », témoigne Jean-Philippe Loir-Mongazon, Maire du Village by CA de Mulhouse au sein du Crédit Agricole Alsace Vosges.
Faciliter la vie des opérateurs
Dans le même esprit, le digital s’installe progressivement dans le back office des acteurs du tourisme. Souvent confrontés à des difficultés de recrutement, les professionnels de la restauration et de l’hôtellerie voient fleurir une offre nouvelle de service spécialisée pour trouver la main d’œuvre nécessaire qualifiée. Des plateformes en ligne destinées à leur faciliter la vie à l’image de Badakan, une application qui met en relation un vivier de personnels compétents et les professionnels qui ont des missions à proposer. « Outre la prise en charge par le site des aspects administratifs et contractuels, Badakan repose également sur un système de notation de ses membres pour rassurer les employeurs et vice-versa », explique Marion Besancenot, chargée des opérations et du recrutement du site. Un bel exemple de ce que peut apporter au quotidien le digital aux professionnels du secteur.
Il en va de même pour la Legal Tech créée par l’avocate spécialisée en droit du tourisme Elise Fabing, à l’origine pour le réseau des Offices tourisme de France. « Nous voulons proposer à nos clients une plateforme regroupant toute l’information juridique, accessible et claire sur le droit du tourisme et un système de réponses automatisées aux questions les plus simples qu’ils se posent », explique-t-elle. Un moyen de gagner du temps et de l’argent tout en renforçant la relation avec les professions juridiques. « Cela nous permet d’optimiser les process et les coûts pour être plus disponibles et nous concentrer sur les taches à forte valeur ajoutée », ajoute Elise Fabing.
Soit autant de beaux exemples de la valeur qui peut être apportée aux professionnels du tourisme par les outils numériques, à condition de se les approprier et de ne pas se laisser submerger.